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[EN CHIFFRES] Réforme de l’Université : mais où sont les lycéens ?

Quentin Saison 1
Temps de lecture estimé : 7 minutes

Le 8 mars 2018, la loi ORE (relative à l’Orientation et à la Réussite des Étudiants) est adoptée par l’Assemblée Nationale, le Sénat, et est validée par le Conseil Constitutionnel. Il aura s’agit d’un réel parcours du combattant, tant la loi a fait, et fait encore, polémique. Le face à face entre le gouvernement et les syndicats, étudiants pour la plupart, est arrivé à son apothéose le 20 avril, lors de l’évacuation de la faculté de Tolbiac par les CRS. Mais au milieu de la cohue, et malgré l’implication des syndicats lycéens, la parole nous a assez peu été donnée, à nous étudiants du général souvent peu engagés, et ayant parfois une connaissance très superficielle des faits. C’est pourquoi Roux Libre, journal écrit par et pour des lycéens, a souhaité mieux comprendre ce que veulent réellement les futurs étudiants, au travers d’un sondage et d’une enquête approfondie. Retour sur ce que certains qualifient de « mai 2018 ».

Démocratiser la faculté et rendre les conditions d’accès au supérieur plus justes

« Accomplir enfin la démocratisation de notre enseignement supérieur en accompagnant tous les étudiants, dans leur diversité, vers la réussite : voici tout l’enjeu de la transformation du premier cycle que le gouvernement engage. » C’est sous ces termes que Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, présente le 30 octobre 2017 le nouveau « Plan Étudiants ». Le principal objectif de ce plan étudiant, qui aura finalement découlé à la mise en place de la réforme du bac et à la création de Parcoursup’ (dont nous vous parlions déjà en début d’année dernière) est de lutter contre le tirage au sort à l’entrée de l’université.

Si l’objectif de porter 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat a été mobilisateur, force est de constater que ses conséquences n’ont pas été suffisamment anticipées. Pas assez de communication entre le lycée et le supérieur, pas assez d’information pour les lycéens et leurs familles, peu de prise en compte des profils, des motivations, des talents des jeunes, aucune anticipation de la démographie, pas assez de places… et en conséquence le tirage au sort ! Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

Ainsi, le plan étudiant et par extension la loi ORE proposent une réforme de fond de l’orientation au lycée. Deux semaines seront maintenant dédiées, chaque année, à l’orientation des élèves de terminale, qui disposeront également de deux professeurs principaux afin d’individualiser au maximum les questions d’orientation. Le protocole d’inscription dans les universités est lui aussi complètement chamboulé. Tous les élèves doivent maintenant déposer un CV ou une lettre de motivation sur la plateforme, leurs vœux étant limités à dix. Le ministère espère ainsi limiter les vœux par défauts, qui participent à saturer les filières en tension. Le conseil de classe devra également émettre un avis sur les vœux des candidats, et les compétences développées par l’élève (sens logique, esprit critique, investissement, etc) occuperont un rôle important  en fonction de la filière souhaitée. Ainsi, pour reprendre l’exemple développé par Frédérique Vidal au micro d’Elizabeth Martichoux (RTL) : « C’est très important d’avoir un esprit logique lorsqu’on veut faire du droit. Et donc ça, ça sera un attendu. Savoir qu’on a besoin d’un raisonnement logique de manière facile lorsqu’on veut faire du droit ». Enfin, l’état investira 500 millions d’euros afin d’ouvrir des places à l’Université, notamment dans les filières en tension, et afin de créer des postes et de « valoriser l’engagement des professeurs dans la mise en place de la réforme ». D’autres mesures, telles que le rattachement des futurs étudiants au régime général de la Sécurité Sociale ou un investissement de 450 millions d’euros dans l’aide à la mobilité, sont prévues et développées dans le plan étudiant.

Une réforme contestée, de vrais arguments de chaque côté

Malgré toutes ces évolutions, qui aux premiers abords semblent favorables aux lycéens, la loi ORE est extrêmement contestée. Ainsi le 22 mars, d’après un comptage effectué par plusieurs médias dont Le Monde, RTL ou Le Parisien, une manifestation contre la réforme d’accès à l’université réunissait 47 800 personnes. L’opposition à la réforme d’accès à l’université est majoritairement tenue par des étudiants du supérieur et des syndicats lycéens, comme le SGL ou bien l’UNEF.

De nombreux points de la réforme sont très vivement contestés. « La sélection », pour reprendre les termes de l’opposition mais aussi d’une partie des défenseurs de la loi (voir sondage suivant), est l’aspect le plus polémique du plan étudiant. Si les conditions d’accès à la faculté semblent améliorées -rappelons que le tirage au sort va laisser sa place au tri sur dossier-, les syndicats dénoncent une sélection par le milieu social. Ainsi, la sélection sur dossier favoriserait les étudiants issus de milieux aisés, dont l’environnement (familiale notamment) favoriserait la réussite scolaire ; les lycéens issus de milieux plus modestes -on parle généralement des enfants d’ouvriers- seraient alors défavorisés. Cette contestation s’appuie en grande partie sur des chiffres de l’Observatoire des Inégalités. Toutefois, les défenseurs de la loi ORE n’appréhendent pas les choses ainsi. Pour eux, la sélection par le dossier scolaire est plus juste que le tirage au sort, car elle prend en compte l’implication et le travail des lycéens.

Les détracteurs de la loi ORE s’opposent également à une orientation trop décisive, trop tôt. Les syndicats et des étudiants défendent que la loi ORE oblige les lycéens à choisir leur orientation de manière trop définitive, et empêche ou rend bien plus compliquée la réorientation. Étudier devrait ainsi être possible pour absolument tous les bacheliers, sans distinction. Aussi les opposants au plan étudiant réclament un « investissement massif » dans les universités.

Nous appelons les jeunes à manifester contre le nouveau projet d’affectation des jeunes à l’entrée de l’Université, qui instaure une sélection et va donc trier les bacheliers en fonction de leur lycée d’origine, leurs notes, des critères définis par les établissements, et qui donc risque de fermer la porte à des centaines de bacheliers l’année prochaine. […] Nous voulons un investissement massif pour permettre à chaque jeune de pouvoir continuer ses études dans de bonnes conditions. Lilâ Le Bas, présidente de l’UNEF (UNEF)

Mais qu’en pensent vraiment les lycéens ?

Vous l’aurez compris, la réforme adoptée le 8 mars joue un rôle important, et décidera (en partie) du sort de nombreux lycéens. Mais justement, qu’en pensent les lycéens ? Si les syndicats étudiants tels que l’UNEF sont assez présents dans les médias, les syndicats lycéens passent inaperçus. Mais s’investissent-t-ils vraiment dans la lutte contre cette réforme ? A en croire Yann, terminal STI2D à Rennes et membre des Jeunes Communistes ayant accepté un entretien téléphonique, il est très compliqué pour les syndicats lycéens de s’organiser. Manque de temps, problèmes légaux (puisque la très grande majorité des lycéens sont mineurs), parents opposés (voir sondage)… Toujours selon lui, c’est pour cette raison que la plupart des lycéens ne sont non pas syndiqués, mais agissent dans des organisations politiques, ou en dehors de tout cadre légal. Mais pour Yann, le nœud du problème réside en l’apolitisme des lycéens. « La plupart ne s’opposent pas à la réforme de l’Université car ils ne la connaissent pas ou ne suivent pas vraiment l’actualité. C’est pour ça que nous les informons, que l’on fait surtout du tractage, des tables rondes, de la comm’. Une fois au courant, beaucoup de lycéens sont prêts à agir. »

Pour mieux comprendre la situation, Roux Libre a effectué son propre sondage. Relayé sur Facebook et l’espace numérique de travail du lycée Émile-Roux, il a recueilli 95 réponses. Si le sondage n’a pas été effectué sur l’intégralité du territoire Français faute de moyens (87% des sondés sont internes à l’établissement), il est la seule base de réflexion actuellement disponible concernant les lycéens1.

Ainsi, sur les 70 élèves sondés, 47,1% sont favorables à la sélection sur dossier scolaire (soit 33 élèves). 32,8% des élèves s’y opposent (23 élèves), et 20% n’ont pas connaissance de la loi. Plus largement, 36,5% des personnes interrogées sont hostiles à ce qu’ils considèrent comme une mesure de sélection et 48,38% y sont favorables. Aussi, un peu plus de 15% des sondés n’ont pas connaissance la mesure de « sélection ».

Mais, plus étonnant en considération du taux d’adhésion à la loi ORE, seulement 36,9% des sondés trouvent la réforme juste. Ils sont alors 37,9% à la trouver injuste, et 21,1% à ne pas savoir qu’en penser. Moins manichéens, 3,3% se disent mitigés.

Toutefois, lorsque on évoque le mouvement social en cours (le fameux « mai 2018 »), les résultats sont sans appels. 43,2% des sondés soutiennent le mouvement étudiant. Les lycéens eux sont plus enthousiastes, puisqu’ils sont 48,57% à le soutenir. Toujours selon notre sondage, ce sont les professeurs qui sont le plus hostile aux blocages. Ils sont 83,3% à s’opposer à ce dernier. Si 3,2% des personnes ayant répondu au sondage estiment avoir agit d’une manière ou d’une autre, aucune n’a participé aux manifestations contre la réforme de l’Université. Parmi ces trois personnes, une seule estime que la situation ne s’améliore pas, les deux autres ne se prononçant pas.

Si la plupart des individus n’ayant pas participé aux cortèges n’étaient pas solidaires du mouvement, 3,2% du total des sondés disent avoir été freinés ou empêchés de participer par leurs parents.

Les lycéens sont-ils donc si peu politisés, comme le pensait Yann ? Sont-ils insouciants face à leur avenir ? Ou se sentent-ils simplement rassurés par la fin du tirage au sort ? Sans doute est-ce un peu de tout cela. De toutes manières, pourquoi se battre, puisque les étudiants du supérieur nous défendent comme si leur orientation en dépendait ?

Sources et notes d’écriture

1 : un autre sondage a été réalisé par Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et Le Figaro. Il n’implique  toutefois pas les moins de dix-huit ans, à savoir les principaux intéressés. (source)

Sources :

Merci à Yann, activiste sur Rennes, d’avoir accordé à Roux Libre un entretien téléphonique, et au groupe Facebook « Lycées de Rennes contre la Sélection » de son aide. Nous vous invitons à télécharger notre sondage, où vous retrouverez des opinions très intéressantes (qui n’ont malheureusement pas trouvé leur place dans cet article). Merci à tous les sondés pour leur participation.

 

 

 

 

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  1. tractopelle772 tractopelle772

    Selon le gouvernement il n’y aurait aucun problème, aucun conflit dans les universités françaises.Dans les faits il en va différemment.Après le recours à une milice composée de nervis à Montpellier et une violence assez inédite dans une fac de droit (!!),le tabassage d’un universitaire de l’EHESS le 1er mai dernier,nous savons,de source sûre,qu’un président d’université,à Nice,s’en est pris violemment à des étudiants,menaçant de mort l’un d’entre eux de façon explicite.Qui incite à la HAINE ?

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